Fête de l’Ascension (Actes 1/1-11 et Mathieu 28/16-20)

Il y a dans les Évangiles et les Actes des Apôtres quatre récits de l’événement de l’Ascension du Seigneur. Une lecture rapide et superficielle de ces quatre récits pourrait  jeter le trouble dans nos esprits :

  • parce que deux de ces récits situent l’Ascension au soir de Pâques , et les deux autres quarante jours après Pâques ;
  • parce que , si l’un de ces récits ne précise pas le lieu de l’Ascension , les autres indiquent des lieux différents : deux situent l’Ascension à Jérusalem , sur le Mont des Oliviers , et le troisième , sur une montagne non précisée , en Galilée.

Pourtant nous proclamons cet événement comme essentiel à notre foi : ‘’Jésus est ressuscité , est monté aux cieux , est assis à la droite de Dieu’’. Encore faut-il bien comprendre ce dont il s’agit. Qu’est-ce que cela veut dire , pour nous aujourd’hui : Jésus est monté aux cieux ? – Lorsque nous parlons de l’Ascension de Jésus , il ne s’agit pas d’une ascension au sens habituel du terme , comme lorsqu’on parle de l’exploit d’un alpiniste ou d’un cosmonaute. Lorsque nous proclamons que Jésus est ‘’monté’’ au ciel , il nous faut dépasser toute considération de lieu , pour lui donner un sens plus symbolique. Ne dit-on pas d’une vedette en pleine ascension , qu’elle monte ’’au firmament de la gloire’’.

Lorsqu’on nous parlons du ciel , ou plus souvent des cieux , il ne s’agit pas d’un endroit du cosmos qui serait la résidence de Dieu. Cette expression ‘’les cieux’’ est une manière propre au judaïsme antique pour désigner Dieu. Plus simplement , nous pouvons dire que Jésus a disparu aux regards de ses amis , après leur avoir donné ses dernières consignes. Mais ce n’est pas parce qu’on ne peut plus le voir qu’il est absent. Rappelons-nous ses derniers mots : ‘’Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde’’. Il faut donc nous demander quel est ce nouveau mode de présence d’un être invisible ?

En cette fête de l’Ascension , notre Évangile nous donne rendez-vous sur une montagne de Galilée et nous fait participer à une rencontre entre Jésus récemment ressuscité et ses Apôtres.  C’est Jésus qui a toute l’initiative dans cette rencontre. C’est lui qui parle , et tout de suite , il parle comme un Maître. Il affirme : ‘’Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre’’ ! C’est bien lui le Maître : ‘’Le Seigneur est Dieu là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre , et il n’y en a pas d’autre’’. Jésus utilise son pouvoir. Il commande à ses Apôtres réunis autour de lui. Il ne leur propose ni échange , ni dialogue , ni discussion , ni concertation. Il leur dit : ‘’Allez … Faites … Baptisez … Apprenez leur … ‘’.

Tout d’abord , il envoie. Il envoie ses Apôtres vers les nations , toutes les nations. Aucune n’est exclue. Aucune n’est privilégiée par rapport à une autre. Toutes les nations sont appelées à devenir des disciples , c’est-à-dire à reconnaître Jésus comme leur Maître , à conformer leur attitude et leur mentalité à sa parole. Ensuite , les Apôtres doivent baptiser. Nous nous rappelons : baptiser , ça veut dire plonger. Les Apôtres vont baptiser , plonger les nations dans le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit , pour les inviter à se laisser transformer , façonner par l’Esprit de Jésus. C’est lui qui réalise la filiation divine. C’est lui qui fait de nous les enfants de Dieu , c’est lui qui nous fait reconnaître et appeler Dieu ‘’Notre Père’’. C’est lui qui nous fait reconnaître que nous sommes réellement ses enfants et que nous sommes tous frères.

Mais l’Esprit ne peut agir que pour ceux qui se laissent conduire , transformer , renouveler. A ceux-là , les Apôtres doivent leur apprendre à garder les commandements que Jésus nous a donnés , à se comporter selon la nouvelle naissance reçue. C’est une lourde tâche pour les Apôtres de Jésus , tentés de se décourager… Alors Jésus les rassure : ‘’Je suis avec vous , tous les jours , jusqu’à la fin des temps’’ !

Ce n’est pas parce qu’on ne peut plus voir quelqu’un qu’il est absent. Nous en avons fait douloureusement l’expérience au cours de nos longues semaines de confinement , séparés de nos proches , sans pouvoir accompagner ceux qui nous quittaient. Ne peut-on pas avoir le sentiment de la présence de quelqu’un qu’on ne voit pas ? Que de personnes qui ont perdu un être cher vivent avec cet être disparu une autre forme de présence ? On peut vivre , avancer dans l’existence , progresser même , grâce à une parole entendue un jour et qui nous a marqués pour le reste de nos jours. Ces formes diverses de présence ne sont pas illusoires.

Durant trois ans , Jésus a marché à leurs côtés : ils l’ont vu , entendu et touché. Ils expérimentent maintenant sa présence sous une autre forme ,  plus intime , plus profonde et plus forte que la précédente. Le Christ disparaît aux yeux de ses amis, mais c’est parce qu’il leur devient intérieur. Il était avec eux , et le voici qui , maintenant , est en eux , au plus intime d’eux-mêmes , selon sa promesse : ‘’Si quelqu’un m’aime , mon Père l’aimera , nous viendrons en lui , et nous ferons chez lui notre demeure’’. Ce qu’ils n’avaient pas bien compris alors est devenu une réalité. C’est son ‘’Esprit’’ qui les anime et agit en eux. Une animation pleine et entière : il parle et agit en eux , par eux. L’apôtre Paul ira jusqu’à dire : ‘’Ce n’est plus moi qui vis , c’est le Christ qui vit en moi’’.

L‘Ascension est la fête de l’espérance et donne sens à notre destin de baptisés. Nous sommes tous envoyés en mission , chargés d’annoncer la Bonne Nouvelle.  Désormais il n’y a plus rien à voir, sauf des hommes dont certains sont rassemblés au nom du Christ et lui portent témoignage. Nous sommes invités à être ‘’le corps du Christ’’ ,  à rendre visible par toute notre vie l’action du Christ. Jésus n’est plus visible , mais par nos mains , nos yeux,  nos lèvres , nos pieds et notre cœur , il continue à aimer, à rencontrer et à sauver tous les hommes. Notre destinée , c’est l’éternité glorieuse de tous les enfants de Dieu , la réussite le notre humanité.

Guy  IOUX