l’histoire des 2 disciples qui se rendaient à Emmaüs

En ce 3e dimanche de Pâques nous sommes invités à entendre et à garder dans notre cœur, pour la méditer et nous en nourrir, l’histoire des 2 disciples qui se rendaient à Emmaüs le soir du 1er jour de la semaine. Ils avaient quitté Jérusalem où il n’y avait, semblait-il, plus rien à attendre.

Et voilà qu’ils sont rattrapés par un inconnu. C’est Jésus, « Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître »

On dit que les yeux sont les fenêtres de l’âme et on comprend que leur âme est très troublée : ce Jésus avait éveillé, en eux, une sourde Espérance, « cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple … nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël » C’était un beau projet dans leur tête et dans leur cœur, concernant le réveil de tout un peuple, rappelant la sortie d’Egypte, en somme une reconstruction bien humaine qui s’effondre lamentablement avec la mort de Jésus sur la croix « Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé » l’espérance en la Parole de Jésus, sur le 3e jour, dont ils avaient pu entendre parler, est bouleversée.

Ces 2 personnages appartenaient certainement à un cercle très proche des apôtres, ils se réfèrent à l’événement qui s’est passé « dès l’aurore » de ce jour et qui a provoqué un vrai moment de « stupeur » : « des femmes de notre groupe » au tombeau vide ont dit avoir eu « une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau », ils ont vérifié les dires des femmes au sujet de l’état du tombeau, « mais lui {Jésus], ils ne l’ont pas vu. » ce 3e « mais » annonce le désaveu du suprême espoir Non vraiment, leur dépit est total, il n’y a plus, pour eux, rien à attendre à Jérusalem.

Face à ce dépit que Jésus a su entendre jusqu’au bout, Jésus s’est révélé comme un maître écoutant qui encourage la parole de l’autre en s’effaçant le plus possible : dans un premier temps, il accepte, sans sourciller, de passer, aux yeux de Cléophas, pour « le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci » et il accepte de les laisser faire leur récit des derniers événements et dire leur propre réaction.

Mais une fois qu’ils ont fait le point sur eux-mêmes, il n’hésite pas à énoncer un jugement fort : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! » par lequel il leur donne le désir d’entendre, au rythme de la marche, toute une catéchèse : « Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. »

Leur écoute les a certainement déjà réconfortés et ouverts au point que Jésus accepte leur invitation chaleureuse : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Et voilà qu’à sa manière de diriger le repas, à sa manière de bénir, de rompre et de leur donner le pain « leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. La disparition à leurs yeux n’est plus une gêne : dans leur âme et dans leur cœur, ils ont cessé de douter et ils ressentent en eux la chaleur de la conviction qui vient de s’épanouir, mais cette conviction est née petit à petit dans ce cheminement spirituel qu’ils ont fait au cours de la marche en compagnie de Jésus et de son commentaire des Ecritures, d’où le nom que l’on donne fréquemment à ce passage de l’Evangile : les pèlerins d’Emmaüs, un pèlerinage alliant un déplacement physique à un déplacement spirituel ou une conversion. Pour eux la conversion est totale : leur nouvelle conviction leur donne le courage de reprendre le chemin dans l’autre sens et d’une grande immédiateté, puisque ils se remettent en route alors qu’il fait nuit maintenant. Eux qui étaient dans le doute, les voilà témoins auprès des 11 apôtres et de leurs compagnons qui ont eux-mêmes reçu la conversion à la résurrection du Christ.

Quant à nous 2000 ans plus tard, nous venons de célébrer Pâques, la grande fête chrétienne de la résurrection du Christ, confrontés à une terrible pandémie qui nous fait redécouvrir notre fragilité humaine, alors qu’une certaine façon de croire dans le progrès a été pour beaucoup d’humains plus que teintée du péché d’orgueil au point de penser se passer de Dieu, n’est-ce pas occasion de voir que nous sommes appelés à approfondir notre foi, à toujours la revigorer.

Notre célébration a dû s’adapter au confinement qui nous a surpris par la dispersion à laquelle il nous a obligés. Mais aujourd’hui, nous sentant proches de l’expérience de ces aînés dans la foi que sont pour nous Cléophas et son compagnon, nous rappelant avoir été ressaisis par les textes de la vigile pascale, il y a 2 semaines, dans l’isolement de nos maisons, lors de la célébration télévisée, « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous » ?

De même lorsque nous avons redit, avec le célébrant, la profession de foi du dialogue baptismal qui nous replongeait dans la fraîcheur de notre baptême, alors que la célébration télévisée nous donnait l’opportunité de nous ouvrir aussi, dans notre engagement de croyant, à l’universel qui est à notre porte, sans nier bien sûr la et les personnes qui toute proches, ont besoin de nous, et de qui nous avons besoin, « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous » ?

Nous entendons maintenant parler de déconfinement, nous comprenons que ce sera long et justement , suite à la prise de conscience très forte concernant la conversion écologique à laquelle le pape François nous a appelés dans son encyclique de 2015, Loué sois-tu (Laudato si’) nous voyons aussi que pour le bon usage de « notre maison commune », la terre, tous les humains doivent envisager et inventer des manières de vivre plus respectueuses des autres et de la création. Notre monde est donc appelé à de grands changements, cultivons l’Espérance de la Fraternité et la confiance en Dieu-Père qui nous aime. La lumière de Pâque nous fait voir le monde sous un autre jour. Gardons ce regard et les exigences qu’il suppose pour que le monde avance vers la terre nouvelle que Dieu veut pour nous. Pour cet avenir à bâtir, notre cœur n’est-il pas tout brûlant en nous ?

De nos célébrations de la semaine sainte, nous avons peut-être gardé, proche de l’appareil de TV, sur une table ou sur la cheminée, une bougie, un crucifix, quelques brins de buis et une plante verte ou un bouquet de fleurs que nous rajeunissons de temps en temps, lieu qui figure pour nous un autel domestique, signe modeste chez nous de la foi de l’Eglise, portons là  quotidiennement ces intentions de prière et bien d’autres : notre prière pour les malades, et pour ceux qui acceptent, devant la nécessité, d’exposer leur vie pour soigner et faire vivre, notre prière pour que les baptisés soient conscients que leur manière de vivre peut apporter des témoignages utiles à ceux qui cherchent des chemins nouveaux, notre prière pour que les baptisés restent fidèles à la prière, à la lecture de la Parole de Dieu, à la pratique des sacrements autant que possible, selon les témoignages donnés dès les Actes des Apôtres, notre action de grâce pour ce qui, dans cette période sombre, va surgir de plus digne pour les humains.

« Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin » Jésus est toujours très discret, il compte sur l’engagement de chacun de nous, mais il attend d’abord de chacun une réaction de foi. C’est ce que dit en écho cette parole de l’Apocalypse qui nous dit en même temps déjà l’ouverture du Royaume : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe.

Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (AP 3, 20)

Bon dimanche et bonne semaine à tous, Michel Tempéreau, diacre